Les témoins



 ·      Amélia ALBUCHER. Née en 1928. Agricultrice. Le Puy.

 

  









 ·        Claude BERNARD. en 1934. Agriculteur, puis Gendarme. Saint-Ferme.

 


      ·     Alice BUSVELLE. Née en 1922. Commerçante. Saint-Ferme.

 ·     










·     Antoine COLETTI. Né en 1921. Agriculteur, puis ouvrier. Monségur.












·      Marcelle COURNIOL. Née en 1926. Agricultrice. Saint-Ferme.

   










·     Antoinette DEGUILHEM. Née en 1931. Agricultrice. Couture-sur-Dropt.


 ·      









 ·      Thérèse DESPUJOLS. Née en 1914. Agricultrice. Rimons.












 ·      Roland DUFOURG, dit "Jean". Né en 1931. Agriculteur. Monségur.










·      Jacqueline GACHET. Née en 1921. Maraîchère. Monségur.












·      André GOULIE. Née en 1925. Commerçant. Le Puy.

 












·    Jeannine HENAUD. Née en 1921. Commerçante. Monségur.













·    Andréa LE MOAL. Née en 1919. Agricultrice puis gardienne d'enfants. Le Puy.











·      Marie-Louise OSSARD. Née en 1926. Agricultrice. Saint-Sulpice-de-Guilleragues.











·      Jeanne PEYRAUD. Née en 1926. Agricultrice. Saint-Vivien-de-Monségur.

  










·      Odette PINLOU. Née en 1927. Couturière, puis ouvrière. Saint-Ferme.












·      André PREMPAIN. Né en 1927. Artisan. Saint-Vivien-de-Monségur.












·      Paulette REYNIER. Née en 1921. Institutrice. Taillecavat.

  










·      Rose SARRAZIN. Née en 1918. Agricultrice, puis épouse de meunier. Dieulivol














 ·      Jean TEYSSOU. Né en 1926.Agriculteur, puis ouvrier. saint-Ferme.

  










·      Suzanne VIGNAUX. Née en 1925. Commerçante. Monségur.

 







Le Puy


«  En France, nous étions domestiques, pauvres et heureux. »

* Mon nom de jeune fille est Della Rosa et je suis née en Italie. Je suis arrivée en France à l’âge de deux ans et demi, en 1931, avec ma mère, mon frère et ma sœur. Arrivé quelque temps avant nous, mon père était employé comme vendangeur. Comme la vie était difficile en Italie, nous l’avons rejoint et nous nous sommes installés au Puy, à La Tuilerie chez Monsieur Régaud. En France, nous étions domestiques, pauvres et heureux. Nous étions bien considérés par le peuple français, même si parfois on nous narguait et on nous traitait de macaroni. Ça ne m’a jamais vexée.

Une partie de la famille Della Rosa à La Tuilerie vers 1945. 
Devant de gauche à droite : une sœur d'Amélia, Amélia et son frère, Nobert. 
Derrière : des voisins, parmi lesquels Monsieur Allard.


Notre maison avait trois pièces : une cuisine et deux chambres. Il n’y avait aucun confort. La cuisine était la pièce principale, avec un petit coin spécial pour mettre les conserves. Les parents avaient leur chambre, et les enfants la leur. Il nous arrivait de coucher dans la chambre des parents. Les lits étaient confortables. On avait des couvre-pieds et des matelas en laine qu’on se faisait avec de la laine achetée chez le moutonnier. Nous nous chauffions au bois. Avant la guerre, nous avions l’électricité pour cuisiner et pour éclairer les chambres, mais pas pour faire autre chose. Il n’y avait pas d’eau non plus, nous allions la chercher au puits pour faire la cuisine, nous laver et laver le linge. C’était une vie de bagne, mais les enfants riaient, tout le monde riait.

Vue actuelle de l’ancienne maison de la famille Della Rosa à La Tuilerie
Le bâtiment accueille aujourd’hui les bureaux et le magasin du château viticole La Tuilerie du Puy.
Vue actuelle des bâtiments d’exploitation de l’ancienne Métairie de la famille Régaud à La Tuilerie
Au bout du bâtiment : l’ancienne maison de la famille Della Rosa.

Mon père était ouvrier agricole pour Monsieur et Madame Régaud à La Tuilerie, une propriété d’environ trente hectares où l’on faisait de la vigne, des prunes, des vaches pour le lait et la viande, du blé et un peu de tabac. Nous étions métayers. Les propriétaires étaient là et nous disaient ce que nous devions faire. On a été comblés d’avoir des patrons comme ça.

Au début, mon père était seul sur l’exploitation avec Monsieur Régaud et mère. Après le décès de Monsieur Régaud, pendant la guerre, les plus âgés des enfants l’ont aidé pour le travail de la terre. Je me suis mariée en 1954 et nous avons continué l’exploitation avec mon mari, qui avait aussi une ferme à Berry. Nous vivions avec son père et sa mère. J’étais italienne et sa mère était française ; elle me faisait souvent des reproches. Mais comme j’allais travailler dans les champs pour aider mon mari, je n’étais pas toujours avec elle. Puis mon frère et mes sœurs se sont mariés, chacun est parti à droite et à gauche. Aucun membre de la famille n’est resté à la ferme à part moi.

Amelia Albucher, née Della Rosa, le jour de son mariage en août 1954.
Amélia avec son mari (sur le tracteur) et un oncle à La Tuilerie  vers 1960.


Monségur



 « Nous allions nous doucher à l’hôpital de Monségur. »

* Je suis née à Monségur le 14 juin 1925. La maison et le magasin de mes parents étaient situés devant l’église. Quand j’étais enfant, la vie à Monségur était très agréable, c’était une vraie vie de village. On connaissait tout le monde et tout le monde nous connaissait. J’allais souvent chez le docteur Gateau. Il avait trois filles et la troisième était de mon âge. Elle travaillait bien à l’école, car sa mère l’aidait, alors que moi, je devais me débrouiller toute seule. À quatre heures, chez eux, on avait toujours une bonne confiture.
Il n’y avait pas l’eau courante quand j’étais enfant. Nous allions chercher l’eau sur la place. À Monségur, on discutait beaucoup autour du puits. Nous allions nous doucher à l’hôpital de Monségur. C’étaient des cabines ouvertes en haut, si bien que l’on entendait tout ce que les gens disaient ; on se racontait ensuite les conversations.
J’avais un frère et une sœur. Avec mon père, pour la discipline, il ne fallait pas rigoler. Il faisait très attention à mes fréquentations. À l’école, on me disait toujours :  « Il est sévère ton père, tu ne peux aller nulle part. » Je répondais : « ça ne me gêne pas, c’est pour mon bien ».
 
         Les parents de Suzanne Vignaux, Marguerite Vignaux, née Deschamps, et Emile Vignaux sur le chemin de ronde à Monségur en 1954.
Anciens bâtiments de l’Hôpital de Monségur avant leur démolition en 1993 (façade sur rue).
 

« Il y avait une atmosphère de suspicion pendant la guerre à Monségur. On sentait une gêne. »

 * Je suis née le 13 juin 1921 à Monségur. J’ai passé toute mon enfance rue Latraine. Mon père était musicien et tailleur, ma mère était au foyer. Puis, après la guerre, j’ai habité Grand rue avec mon mari.
Il y avait une atmosphère de suspicion pendant la guerre à Monségur. On sentait une gêne. Il y avait un réseau de Résistance, le Grand Pierre, et beaucoup de dénonciations ont été faites par des personnes insoupçonnables. Nous n’avons su qu’après la guerre que ça venait d’elles. Mais il n’y a jamais eu de vrais problèmes, mis à part la journée du 3 août 1944, quand les Allemands sont venus nous enfermer sous la halle. Les maquisards avaient voulu faire un exploit, passer une colonne allemande du côté du Puy ou de Dieulivol, et les Allemands ont réagi en cernant Monségur et en enfermant ses habitants sous la halle. Ils ont menacé de tuer tout le monde si le chef du réseau de résistance, Monsieur Darniche, ne se livrait pas. Quand les Allemands sont arrivés, je suis allée parler à l’un d’entre eux pour savoir ce qu’il se passait. Mes parents étaient fous. Je lui ai demandé : « Qu’est-ce que vous faites ? ». « Votre mari, où ? » m’a-t-il répondu. « À la campagne ! ». « Travail à la campagne ? ». « Oui ! ». Je me suis fait engueuler par mes parents.
Les Allemands ouvraient les portes, les fenêtres et tout le monde devait sortir pour aller sous la halle. Le 3 août 1944, j’étais sous la halle. Ça a été plus que traumatisant. Nous connaissions tous Monsieur Darniche, qui tenait le Café de la Place, et l’on pensait qu’il ne se dénoncerait pas. Il s’est finalement dénoncé. Dans le café d’en face, chez Boudey, ils l’ont martyrisé. On l’entendait crier depuis dehors. C’était affreux. Puis ils l’ont tué, dans les bois je crois, et ils nous ont libérés. Ce jour-là, Ils ont tué deux autres personnes, en plus de Robert Darniche : Monsieur Bonnefont, le directeur du Crédit agricole, et Monsieur Claverie, dans son jardin. Ce jour-là, j’ai décidé que je n’aurais pas d’enfant avant la fin de la guerre.

Vue de la place du marché à Monségur au début du XXe siècle.

Sous les arceaux de la place du marché, à Monségur, au début du XXe siècle.


« Quand la route départementale qui passe en bas de Monségur a été élargie, il a fallu démolir une partie de la ferme … »

* Je suis né en Italie en 1921. Mes parents sont venus en France lorsque j’avais onze ans. Ils m’ont tout de suite placé dans des maisons pour élever les vaches. On ne pouvait pas obliger les étrangers à aller à l’école.
À la fin de la guerre, je me suis marié à Mongauzy, puis je me suis installé à Monségur avec ma femme, en bas du carrefour du Christ, dans une ferme située de l’autre côté de la route. Nous étions métayers chez un propriétaire de Bordeaux, Gracian, qui avait deux propriétés au Christ, une située dans le virage et une autre un peu plus bas. Nous étions dans le virage. Le régisseur des deux métairies s’appelait Despée. Il habitait Le Puy. Nous avions une pompe à dix mètres de la maison et pour la lessive, ma femme allait au lavoir du Dropt.
Quand la route départementale qui passe en bas de Monségur a été élargie, il a fallu démolir une partie de la ferme, car elle se trouvait sur le tracé de la route. Nous avons dû partir. Je ne savais pas où aller habiter et il nous fallait un logement. J’ai trouvé la maison Ferté, à cent mètres de la route de La Réole. Elle donnait sur la vallée du Dropt. Des bordelais en étaient propriétaires. Je passais souvent devant cette maison et un beau jour, je leur ai demandé s’ils voulaient me la louer. Tout de suite, ça a marché entre nous. Ils m’ont donné du travail pour la saison, car leur fils était au régiment. Quand j’ai été embauché à l’usine Friandor, j’ai continué à surveiller leurs terres. Ma femme élevait leurs moutons et vendait la laine au marché à La Réole. En vingt ans, je n’ai jamais rien payé, ni l’électricité, ni rien. C’était beaucoup plus confortable que la métairie du Christ.

Rimons


« J’étais fille unique et couchais dans la chambre avec mes parents. »

* Je suis née en 1914 à Rimons, au lieu-dit Lyon. Mes parents ont travaillé chez un châtelain, Monsieur Ouvrard, comme domestiques puis sont devenus métayers à Rimons, chez Monsieur Bignon. Ils travaillaient la terre. Les propriétaires habitaient Caumont. Ils avaient une fille de mon âge. Quand ils venaient aider mes parents à travailler, je jouais avec leur fille. Nous jouions avec des poupées en chiffon, avec des feuilles d’arbres, dont on faisait de l’argent … 
Dans la maison, les pièces étaient assez grandes : une cuisine, un couloir et une chambre. J’étais fille unique et couchais dans la chambre avec mes parents. Nous n’avions pas d’électricité : on utilisait une grosse lampe à pétrole suspendue, et pour aller au lit, on s’éclairait à la bougie. Il y avait un puits et une pompe devant la porte pour l’eau.
Lorsque j’étais petite, nous allions faire les commissions à pied à Castelmoron où il y avait un épicier et un boulanger. J’achetais mes espadrilles chez l’épicier, qui avait de tout : des pantoufles, de la laine, du coton et du fromage recouvert avec une cloche. Plus tard, il y a eu une petite épicerie dans le village de Rimons et des marchands passaient régulièrement : un boulanger, qui faisait moitié Rimons, moitié Castelmoron et qui passait deux fois par semaine, un poissonnier qui venait de Castillon et l’épicier qui venait de Castelmoron avec un petit fourgon et passait une fois par semaine.
Je me suis mariée en 1933. Mon mari travaillait alors avec son père qui était cantonnier à Rimons. Nous nous sommes installés pendant un an à Saint-Ferme, où sa mère exploitait une ferme.
Ensuite, nous avons pris un fermage à Rimons, dans le village de Fougirard. Il y avait de la vigne, des terres et de la prairie. On avait trois vaches pour travailler et une vache pour le lait. À Fougirard, il y avait cinq ou six maisons, des métayers et des propriétaires. L’un d’entre eux était métayer chez le boulanger de Saint-Ferme.
Notre patron a vendu la ferme à un voisin, qui en a confié l’entretien à des domestiques, si bien que nous avons dû changer de propriétaire. Nous avons alors trouvé une bonne propriété à Saint-Ferme, un peu trop grande, car je n’ai pas pu la faire seule pendant la guerre, sans mon mari qui était parti en Algérie. Je suis alors retournée chez mes parents à Rimons. Quand mon mari a été démobilisé, nous avons trouvé une autre ferme dans Rimons, à Galeteau. On y faisait le vin, le tabac, le blé, le bétail – nous avions quatre bêtes – et le maïs pour la provision. Nous avions des canards, des oies et des cochons avec lesquels nous faisions du confit, des foies gras et la cuisine du cochon pour notre consommation familiale.

Saint-Ferme


« Quand j’étais enfant, il n’y avait pas plus de trois ou quatre voitures à Saint-Ferme. »

* Je suis née dans le bourg de Saint-Ferme, au café Les Ormeaux en 1922. De 1932 à 1935, j’ai vécu à Paris, car ma mère a divorcé et refait sa vie avec un Parisien. Mais ça n’a pas marché avec lui et elle est revenue en Gironde. Elle a alors repris son café auquel elle a ajouté une épicerie.
Saint-Ferme autrefois, c’était une pagaille de métayers qui n’étaient pas riches. Il y avait le château du maire, le château du Parc et le château de la Gajante qui avait au moins deux métairies. C’était un gros exploitant avec beaucoup de bois et de forêts. Saint-Ferme était très boisé autrefois, puis des entreprises sont venues déboiser. Dans le bourg, il y avait des ormeaux qui bordaient les routes, mais ils ont disparu depuis longtemps.

Entrée du bourg de Saint-Ferme au début du XXe siècle.
Le Château de la Gajante au début du XXe siècle

Tout le monde se connaissait à Saint-Ferme. Les gens de la vallée du Dropt, qui se croyaient supérieurs, appelaient les gens de Saint-Ferme les Brugueyre. C’est le nom Patois d’une plante qui pique les pieds. Quand j’étais petite, je disais à mon oncle : « Tu mets de la brugueyre sous le pied de tes vaches ? ». J’avais peur qu’elles aient mal. On passait pour des retardés. Beaucoup de gens parlaient le Patois. Il y avait deux Patois, celui des gens originaires de Charente, le Gavache, et le patois local. Celui qui savait bien le Patois, il comprenait bien le Gavache.
Quand j’étais enfant, il n’y avait pas plus de trois ou quatre voitures à Saint-Ferme. Dès qu’il y a eu la voiture, les gens ne venaient plus faire leurs commissions à Saint-Ferme que pour se dépanner. Ils préféraient aller au marché de Monségur ou de Pellegrue. Mais au départ, seuls les riches avaient des voitures. Ça a commencé avec le propriétaire du château du Parc. Il était venu en voiture jusqu’aux pompes situées contre le mur de la place de l’abbaye. Tout le monde s’était déplacé pour voir la voiture. Dans le virage, devant l’abbaye, il y avait un puits qui ne tarissait jamais. Dans chaque propriété, il y avait un puits, mais dans les moments de sécheresse l’été, les gens des alentours venaient à ce puits en charrette pour remplir les barriques.

Le Château du Parc au début du XXe siècle.
La margelle de l’ancien puits du bourg de Saint-Ferme se trouve aujourd’hui devant l’abbaye et sert de banc.
Le puits du bourg de Saint-Ferme se trouvait à l’emplacement de la pompe à eau, encore visible dans le virage devant l'Abbaye.
Marcelle et Guy Courniol au début des années cinquante.
 
 « Presque tout le monde était agriculteur à Saint-Ferme à cette époque-là. »

* Mes parents étaient agriculteurs propriétaires à Saint-Ferme au Lieu-dit La Basse Brande. C’est là que je suis né en 1926. C’était une propriété de quarante hectares environ, où l’on produisait surtout du vin et où l’on élevait du bétail pour la viande. Nous faisions également du blé et nous avions des prés pour faire paître les vaches. Nous étions cinq sur la propriété : mon père, ma mère, moi et mes deux frères, qui étaient plus jeunes que moi. Mes grands-parents sont restés sur l’exploitation jusqu’à leur décès. Il n’y avait pas d’ouvriers agricoles chez nous. C’était une vie dure, mais on y était habitué et nous vivions confortablement. On organisait les activités d’un jour sur l’autre, en fonction du temps. On utilisait un baromètre, mais c’était compliqué de connaître le temps qu’il ferait le lendemain. Parfois, c’était partie remise.

Jean Teyssou (à droite), le jour de sa communion,
avec ses deux frères, Guy et Charles.

Jean Teyssou vers 1940.
Presque tout le monde était agriculteur à Saint-Ferme à cette époque-là. On faisait appel aux voisins et l’on s’entraidait pour les vendanges, les fenaisons et, surtout, pour les battages : au moment des moissons, la batteuse passait à tour de rôle, chez les uns et chez les autres. Il y avait toujours un bon repas à la fin des vendanges, le pampaillou. C’était sympathique.
Je me souviens que vers 1950, une entreprise est venue faire un forage à La Brande pour chercher du pétrole. Ils n’ont rien trouvé.

La Famille Teyssou à la Basse Brande vers 1945. Debout : Jean Teyssou (à droite) et ses deux frères, Charles et Yves. Devant : leurs parents, Henriette et André Teyssou.

Forage pétrolier à La Brande en 1950.
Je me suis marié en 1957 et mon épouse, Annette, est venue s’installer avec moi à la ferme. Je la connaissais depuis très longtemps. Nous sommes allés à l’école ensemble. Ses parents étaient agriculteurs à Saint-Ferme, au lieu dit Darmissan, à la sortie de Saint-Ferme, sur la route de Pellegrue. Mon beau-frère est ici avec moi à la maison de retraite. Ils faisaient, comme nous, le vin, le blé et le bétail. Je n’avais pas vraiment envie de continuer la ferme, c’était pénible quand même. Mon épouse aussi avait envie de faire autre chose. Nous avons arrêté quelques années après notre mariage pour partir travailler à l’hôpital de Monségur. J’étais gardien et ouvrier d’entretien à Neujon. Nous habitions dans la résidence de l’hôpital, à la conciergerie. On y est resté de nombreuses années. Mes deux frères non plus n’ont pas continué l’agriculture et mes parents ont vendu.
Depuis cette époque-là, il y a des bois qui ont été arrachés, à mon grand regret. Petit à petit, les prés ont été plantés en vignes, et inversement, il y a des endroits qui étaient plantés en vignes qui sont devenus des prairies ou des terres labourables.

Photo de mariage de Jean et Annette Teyssou  à La Brande en 1957. Debout de gauche à droite : les parents de Jean, André et Hanriette Teyssou, les parents d’Annette, Simone et Raymond Bernard, la grand-mère de Jean, Jean et Annette et les grands- parents d’Annette.

La Basse Brande en 1950. La ferme de la famille Teyssou est entourée de prés.
La Basse Brande en 2011. Les vignes recouvrent toutes les terres situées autour de la ferme.
   
« Le bourg de Saint-Ferme était important et animé ... »

 * Je suis né le 9 juin 1934 à Saint-Ferme au lieu dit Darmissan sur la Route de Saint-Ferme à Pellegrue. Mes parents, qui étaient agriculteurs, avaient acheté la maison en 1920. Ce n’était pas une habitation confortable, mais il y avait de beaux bâtiments d’exploitation : deux granges, deux chais …
Au début, nous avions seulement une grande pièce principale dans la maison avec un sol en carreaux de Gironde et une cheminée. Puis en 1938, mes parents ont fait construire une chambre à côté de la cuisine, avec une lucarne de toit. Nous dormions à trois ou quatre dans cette chambre, sur des lits en bois de 120 avec des matelas en laine. Un matelassier passait pour l’entretien et réparait sur place. L’électricité, c’est le lieutenant des pompiers, Cazaux, qui l’avait installée vers 1932. L’eau courante est arrivée après la guerre. C’est le père de Monsieur Dussaut qui a monté la pompe. Avant, nous allions au puits situé dix mètres devant la maison. Pour les toilettes, on avait une cabane.

Darmissan sous la neige en 1956.
Darmissan sous la neige en 1956. Les palmiers ont gelé cette année-là.

J’ai travaillé à la ferme jusqu’en 1961. Nous faisions du blé, de la vigne, et de l’élevage. Puis je suis devenu gendarme mobile à La Réole. Nous avons vendu Darmissan au moment du remembrement, en 1974. Ce remembrement a apporté beaucoup de choses positives pour les passages et ça a permis de regrouper les terres, de faire de plus grands espaces. Avant, nous n’avions que des petits morceaux de bois par ci par là, des vignes à droite et à gauche … Les paysans avaient une drôle de mentalité et ils ne faisaient pas facilement d’échanges. Maintenant Darmissan n’est plus une ferme, c’est une belle maison.


Simone et Raymond Bernard, les parents de Claude, à Darmissan en 1956.
Derrière l’arbre, on aperçoit une rateleuse à foin.
Le bourg de Saint-Ferme était important et animé. Il y avait trois épiceries : la famille Mérins, aux quatre routes du bourg, Monsieur Nèble, en face l’actuel boulanger, qui a été déplacé en face de l’église et Madame Bourricaut, l’Albertine, à la sortie de Saint-Ferme, sur la route de Pellegrue et Castelmoron. Il y avait aussi deux forgerons : un aux quatre routes, l’autre était cinquante mètres plus loin, mais il a eu un problème : son ouvrier a perdu un œil, ce qui lui a coûté cher et il n’a pas repris de personnel. Pour ferrer les chevaux, il fallait aller à Pellegrue. Les forgerons de Saint-Ferme s’occupaient uniquement du bétail et il fallait prendre rendez-vous.

« Les gens de Saint-Ferme se retrouvaient à l’église. »
* Je suis née en 1927 à Saint-Ferme. Mes parents travaillaient la terre. Ils étaient propriétaires, cultivaient la vigne et élevaient des bœufs. Pendant la guerre, ça n’était pas occupé chez nous, mais on a quand même vu les Allemands. Une fois, ils sont passés chez mes parents. Ils voulaient un veau et ont inspecté toutes les litières. Pas de chance, nous n’avions que des bœufs.
Je me suis mariée à Saint-Ferme en 1943. Mon mari habitait à Rimons, une commune proche. Après notre mariage, nous nous sommes installés dans le bourg de Saint-Ferme, dans la rue principale. Comme nous avions seulement une cour derrière la maison, on louait le jardin de l’école pour faire venir des légumes. A Saint-Ferme, nous avions trois épiciers, un boulanger et un boucher, Monsieur Cao. J’achetais les volailles chez les paysans du coin.

Le bourg de Saint-Ferme au milieu du XXe siècle. Odette Pinlou habitait avec son époux dans la dernière maison sur la gauche avant le virage, autrefois occupée par l’épicier Nèble.
Les gens de Saint-Ferme se retrouvaient à l’église. La cloche sonnait tous les jours, à midi et le soir. Il n’y avait que le matin qu’elle ne sonnait pas, pour ne pas réveiller les gens. Beaucoup de personnes venaient à la messe le dimanche. Moi, je n’y allais pas. On n’était pas tellement croyant dans ma famille. Je m’y rendais seulement pour les fêtes, la fête de l’Agneau, les baptêmes, les mariages … Je la connais par cœur cette abbaye. Il y avait déjà des touristes qui venaient la visiter à ce moment-là, mais moins que maintenant.


L’abbaye de Saint-Ferme au milieu du XXe siècle.
Dans le prolongement de l’abbaye, sur la droite : l’école et la Mairie.

Cour intérieure et puits de l’abbaye de Saint-Ferme
au début du XXe siècle.
Cour intérieure et puits de l’abbaye de Saint-Ferme
au début du XXe siècle. Au centre de la photo, à l'étage, on voit les deux fenêtres de l'école publique.
Cour intérieure et ancien puits de l’abbaye de Saint-Ferme en 2011.