« Vers 1935, le vin qui
était à 65 francs le degré est passé à 35 francs. »
* Nous vendions notre vin à un
courtier, vin rouge et vin blanc d’appellation Bordeaux, Sémillon, Muscadelle et Colombel. Vers 1935, le vin qui
était à 65 francs le degré est passé à 35 francs. S’il faisait dix degrés, ça
rapportait 350 francs les quatre barriques, au lieu de 650. Et le travail était
le même.
La première coopérative s’est
montée à Monségur avant la guerre. Le problème avec la coopérative, c’était
qu’on vous faisait le vin, mais vous perdiez une récolte tous les quatre ans.
Nous avons donc continué à vendre le vin en direct au courtier et nous nous sommes
lancés dans la culture du tabac qui rapportait plus.
* On faisait un peu de vignes,
juste pour nous, à Dénéchot. Nous
étions seuls, mon mari et moi, à travailler, puis quand les enfants ont été
plus grands, ils nous ont aidés. Je taillais la vigne, je l’épamprais, je la
relevais et je la vendangeais. Puis nous portions le raisin à la cave
coopérative de Monségur pour la vinification.
« Il n’y avait pas de piquette chez nous : on buvait du vin
de La Brande. »
* Nous faisions du vin rouge et du vin blanc, Sémillon pour le Blanc,
Cabernet et Merlot pour le rouge. Mon père vinifiait
lui-même. Il y avait du vin pour notre consommation annuelle et on vendait le
reste à un courtier qui travaillait avec différentes maisons. Il n’y avait pas
de piquette chez nous : on buvait du vin de La
Brande. C’était une appellation Bordeaux
supérieur.
Un bouilleur de cru passait
chez nous et portait le vin à la distillerie de Saint-Ferme pour faire
l’eau-de-vie. C’était surtout pour notre propre consommation, 125 litres
environ, une demi-barrique.
« Le hersage et le
sulfatage, je le faisais avec mon cheval, Bibi. C’était pratique et très
maniable. »
* À Darmissan, notre plus grosse activité, c’était la vigne. On en a
beaucoup planté après 1950. On
plantait étroit, à deux mètres vingt entre les rangs et un mètre entre les
pieds. C’était suffisant pour le passage d’un animal.
On taillait la vigne de
novembre à mars. En principe, c’était la taille courante : un pouce et une
flage. Ça dépendait de la gaillardise du pied. Début juin, il y avait
l’épamprage : on nettoyait les pieds en arrachant les rejets, et on ne gardait
que les bois à fruits. Puis, on levait les bois dans l’alignement du rang.
Autrefois, il n’y avait qu’un seul fil qui courait entre deux poteaux. Ensuite,
on écapitait la vigne pour l’égaliser.
Le hersage et le sulfatage, je
le faisais avec mon cheval, Bibi. C’était pratique et très maniable. Au
printemps, je passais les quatre tours à la décavaillonneuse, au ras du pied.
Il fallait des animaux intelligents pour faire ce travail. On tirait les
cavaillons à la bêche. J’aimais bien ça. L’été, pour le sulfatage, j’utilisais
une machine à dos. Maintenant, ça se fait au tracteur. Le sulfatage servait à
éviter le mildiou, l’oïdium et autres maladies de la vigne. On travaillait avec
du sulfate de cuivre, le vitriol. On l’achetait en blocs que l’on faisait
fondre dans l’eau. C’est pour cette raison qu’il y avait des réservoirs d’eau
un peu partout autour de la vigne. On nous donnait des consignes de dosage. La
vigne était bleue.
On vendangeait, à la main, en
septembre. Nous étions sept ou huit en moyenne. Ça durait plusieurs jours, car
il y avait les colombels, les muscadets, les cabernets … Ça ne se vendange pas
en même temps. Je portais la hotte sur mon dos. Les autres avaient des paniers
qu’ils vidaient dans la hotte, puis il fallait vider la hotte dans le pressoir
local, et enfin on amenait tout à la douille.
On vinifiait sur place. Nous
étions bien équipés, avec une cuve en ciment. Le blanc, on le vidait dans le
pressoir, on retirait le jus et on le faisait partir à la pompe à main dans la
citerne. Le rouge, on le vidait dans le pressoir, on prenait la pelle puis on
le mettait dans une cuve avec la râpe. Tous les soirs, nous montions dans la
cuve et nous poussions avec les pieds pour que le jus soit au-dessus de la
raffle. Quand la raffle restait en bas, c’est que le vin était fait. Après les
vendanges, on faisait un bon repas avec la famille et tous les vendangeurs, le
pampaillou.
Nous vendions le vin à Madame
Rolland, courtier en vins à Pellegrue. Elle était très connue. Elle avait ses
habitudes et travaillait avec les négociants de Sainte-Foy-la Grande et de
Gironde-sur-Dropt. C’est elle qui fixait le prix.
* Après 1950, je cultivais la
vigne sur la propriété de mes parents à Coutures-sur-Drot. Nous avions 24 rangs
de vignes derrière la maison. Blanc et rouge d’appellation Bordeaux supérieur que l’on vendait à un courtier. Ce courtier
passait à la ferme et il choisissait le vin qui l’intéressait. Nous avions du
Noa. Quand il a fallu l’arracher parce qu’il était trop alcoolisé, mon père,
qui le trouvait très bon, en a gardé et l’a mélangé à ses vins. Les contrôleurs
ne s’en sont jamais aperçus.
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Une vigneronne (charrue avec six socs pour curer les vignes) est attelée au tracteur Renault de Claude Bernard, à Darmissan (Saint-Ferme) vers 1955. |
« Je travaillais seule et j’étais payée à la tâche. »
* Après mon mariage en 1951, je me suis mise à travailler les vignes
à la façon : des propriétaires me confiaient l’entretien de leur vigne, et
j’y allais quand je voulais et surtout quand il fallait. Je travaillais seule
et j’étais payée à la tâche. J’ai d’abord travaillé dans les vignes de Monsieur
Vigier à Saint-Ferme. Ensuite, je me suis rapprochée de chez moi, chez Monsieur
et Madame Fabris, où je faisais presque toutes les vignes, puis je suis allée
chez ma voisine, Madame Blanchet, qui habitait dans le même village que moi, à Matelot.
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