« Le boulanger nous
donnait vingt-quatre miches d’un kilo par sac de blé. »
* Mon mari labourait avec la
charrue et les bœufs. Je le suivais pour semer. Il y en a qui semait tous les
trois tours de charrue, mais celui qui labourait et qui semait après, il
fallait qu’il ait le coup de main. On moissonnait avec la faucheuse. Tous les
quatre ou cinq mètres, on faisait un tas qu’on ramassait et qu’on mettait de
côté. Il m’est arrivé de faucher à la main. J’avais mal au poignet le soir.
On donnait le blé au boulanger
en échange du pain, et s’il nous en restait, on le vendait. La première année
que nous nous sommes installés, vers 1933, nous n’avions rien, le boulanger
nous a fait l’avance et au dépiquage, nous l’avons payé et lui avons donné le
blé pour l’année suivante. Le boulanger nous donnait vingt-quatre miches d’un
kilo par sac de blé. Il lui restait de la farine pour lui. Il avait une voiture
et un cheval et passait deux fois par semaine. Il portait le blé au moulin
de Sarrazin en bas de Dieulivol. Au début, il nous donnait un peu de son en
plus, mais ça n’a pas duré, car tout a augmenté. Si on voulait du son, il
fallait l’acheter. On utilisait le son pour les lapins et la volaille, mélangé
à du maïs.
« Mon mari
était meunier au moulin de Gallaud à Dieulivol. »
* Je suis née le 15
juillet 1918 à Monségur, au lieu-dit Le
Treuillé. ll y avait deux maisons au Treuillé,
j’habitais celle située sur la gauche en arrivant dans l’allée. De l’autre
côté, au bout de l’allée, c’était Vidu. Après mes treize ans, j’ai travaillé la
terre avec mes parents jusqu’à l’âge de vingt ans. On cultivait un peu de
tout : du tabac, des prunes, de la vigne et du blé. A la ferme, nous
avions une machine qui fauchait le blé. Quand le blé était coupé, il fallait le
laisser sécher par terre un bon moment. Ensuite, on faisait des gerbes. Nous
les transportions à la ferme sur une charrette. On les entassait sur le sol en
forme de rond. On appelait ça un gerbier.
Puis on dépiquait le blé avec une machine. Elle n’était pas à
nous, c’était une machine qui allait dans toutes les fermes les unes après les
autres. Il fallait beaucoup de monde, tous les voisins venaient nous aider. Ce
sont les hommes qui mettaient les gerbes dans la machine. Nous faisions la
cuisine avec maman parce qu’il y avait beaucoup de monde à faire manger. Ça
durait plusieurs jours.
Je me suis mariée
en 1940. J’ai connu mon mari lorsque j’étais enfant. Il n’allait pas dans la
même école que moi, mais nous jouions tous les deux au théâtre et nous étions
restés amis. Mon mari était meunier au moulin de Gallaud à Dieulivol. C’est
là-bas que je suis allée vivre après mon mariage. L’un de mes beaux-frères
allait chercher le blé dans les fermes. Mon mari restait au moulin et portait
la farine aux boulangers. Moi, je raccommodais les sacs.
Nous habitions dans
une maison à côté du moulin. Elle était surélevée car presque tous les ans, il
y avait des inondations. Il y avait quatre fils dans la famille Sarrazin et
nous étions trois familles à vivre dans cette maison. Nous avions une voiture,
la voiture de tous. Nous élevions des poules, des lapins, et des cochons.
* Chez Touchet, à Couture-sur-Drot, je labourais les champs de blé
ou de maïs avec le Brabant. C’était dur. J’en garde une cicatrice sur la main.
La charrue Brabant était tirée par des chevaux. Ils vont plus vite que les
bœufs. Ce sont les
hommes qui semaient. On faisait le maïs pour nourrir les vaches, les cochons et
les volailles.
Vue du Moulin de Gallaud à Dieulivol vers 1930. A gauche la maison de la famille Sarrazin, les propriétaires du moulin. |
« Puis la machine venait
et il fallait dépiquer : on mettait les gerbes sur la batteuse, le blé
sortait d’un côté et la paille de l’autre côté ».
* À la ferme de Dénéchot, je faisais ce qu’une femme
doit faire : aider son mari à travailler la terre. J’ai appris
l’agriculture en regardant faire mes parents. C’était naturel. On cultivait le
blé, puis on le vendait. Mon mari utilisait un brabant tiré par des vaches pour
les labours. Une fois la terre labourée, il semait et moi, avec la herse tirée
par une vache, je recouvrais les grains avec la terre. J’aidais aussi mon mari
pour les moissons. Je faisais les gerbes. Ensuite, on les ramassait et on
faisait le gerbier. Puis la machine venait et il fallait dépiquer : on
mettait les gerbes sur la batteuse, le blé sortait d’un côté et la paille de
l’autre côté. Il y avait quelqu’un qui passait pour ce travail dans toutes les
fermes. Plus tard les moissonneuses-batteuses nous ont facilité le travail et
permis d’aller plus vite. Nous entreposions le foin dans la grange, à côté de
la maison. C’est aussi là qu’il y avait la litière des bêtes et qu’on faisait
sécher le tabac.
On faisait le maïs pour nourrir
les bêtes. Nous le plantions à la main avec une cheville. On faisait un trou
dans lequel on mettait le grain, qu’on recouvrait. On ramassait les épis quand
ils étaient mûrs. Puis on coupait les pieds et on les donnait à manger aux vaches. Ce sont les enfants qui gardaient
les vaches.
* Pour les moissons, nous
avions une moissonneuse et il fallait tirer les gerbes, faire le gerbier. On
récupérait la paille et on l’emmenait à la batteuse qui fonctionnait avec le
moteur du tracteur.
* Pour faucher le blé, on utilisait une moissonneuse-lieuse qui
faisait des javelas dans le champ. Il
fallait ensuite ramasser le blé et en faire des gerbes, que l’on portait à la
batteuse. La batteuse battait le blé et la paille. D’un côté sortaient des
bottes de paille, de l’autre le grain. La moissonneuse batteuse est arrivée
vers 1955. C’est un gars de la Cuma, Jean Bourricault, qui passait dans toutes
les fermes pour moissonner. On avait ainsi la paille d’un côté et le blé dans
des sacs de l’autre.
Battage du blé au Puy dans la famille Albucher en 1957. Le moteur du tracteur entraîne la batteuse. |
Pailler au Puy, dans la famille Albucher, après la moisson en 1957. |
Moissons à Darmissan en 1955 avec une moissonneuse batteuse de la la Coopérative de matériel agricole (Cuma), pilotée par Jean Bourricaud. Il passait dans toutes les fermes pour moissonner. |
Moissons à Darmissan en 1955 avec une moissonneuse batteuse de la la Coopérative de matériel agricole (Cuma), pilotée par Jean Bourricaud. Il passait dans toutes les fermes pour moissonner. |
« On coupait les blés à la
faucheuse, on le secouait, puis on le faisait sécher. »
* La plus grosse évolution dans
le travail a été l’utilisation des machines. À Esclottes, j’ai vu faucher les
blés et ramasser les gerbes à la main. On a ensuite utilisé une
moissonneuse-lieuse, puis la moissonneuse-batteuse.
Nous faisions tout ensemble
avec Monsieur Schlöger : les labours, les semailles, le blé, l’orge, l’avoine,
le seigle … L’exploitation était assez grande et nous avions un tracteur
Brabant de couleur rouge pour travailler.
On coupait les blés à la
faucheuse, on le secouait, puis on le faisait sécher. Ensuite, lorsqu’il était
sec, on le pressait avec une presse. On faisait des petites bottes qu’on
portait à l’étable pour l’hiver avec une remorque. Je n’ai jamais fait de
boules rondes. Nous n’avions pas de machine pour faire les bottes de paille.
C’est un entrepreneur qui battait les blés. Il allait dans toutes les fermes du
secteur, en juillet et août.
Nous faisions également un
pailler de seigle et on le vendait. Ça servait à faire des paillassons pour
protéger les bouteilles et préserver le vin.
Nous désherbions les céréales
avec un atomiseur. On se protégeait avec un masque. Nous achetions les produits
à la Copalma, la coopérative des agriculteurs, à Monségur.
1 commentaire:
J'aime ces témoignages vivants d'une époque révolue! L'effort au quotidien pour s'en sortir!
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