« En France, nous étions domestiques, pauvres et heureux. »
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Mon nom de jeune fille est Della
Rosa et je suis née en Italie. Je suis arrivée en France à l’âge de deux ans et
demi, en 1931, avec ma mère, mon frère et ma sœur. Arrivé quelque temps avant
nous, mon père était employé comme vendangeur. Comme la vie était difficile en
Italie, nous l’avons rejoint et nous nous sommes installés au Puy, à La
Tuilerie chez Monsieur Régaud. En France,
nous étions domestiques, pauvres et heureux. Nous étions bien considérés par le
peuple français, même si parfois on nous narguait et on nous traitait de macaroni. Ça ne m’a jamais vexée.
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Une partie de la famille Della Rosa à La Tuilerie vers 1945. Devant de gauche à droite : une sœur d'Amélia, Amélia et son frère, Nobert. Derrière : des voisins, parmi lesquels Monsieur Allard. |
Notre maison avait trois
pièces : une cuisine et deux chambres. Il n’y avait aucun confort. La
cuisine était la pièce principale, avec un petit coin spécial pour mettre les
conserves. Les parents avaient leur chambre, et les enfants la leur. Il nous
arrivait de coucher dans la chambre des parents. Les lits étaient confortables.
On avait des couvre-pieds et des matelas en laine qu’on se faisait avec de
la laine achetée chez le moutonnier. Nous nous chauffions au bois. Avant la
guerre, nous avions l’électricité pour cuisiner et pour éclairer les chambres,
mais pas pour faire autre chose. Il n’y avait pas d’eau non plus, nous allions
la chercher au puits pour faire la cuisine, nous laver et laver le linge.
C’était une vie de bagne, mais les enfants riaient, tout le monde riait.
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Vue actuelle de l’ancienne maison de la famille Della Rosa à La Tuilerie. Le bâtiment accueille aujourd’hui les bureaux et le magasin du château viticole La Tuilerie du Puy. |
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Vue actuelle des bâtiments d’exploitation de l’ancienne Métairie de la famille Régaud à La Tuilerie. Au bout du bâtiment : l’ancienne maison de la famille Della Rosa. |
Mon père était ouvrier agricole
pour Monsieur et Madame Régaud à La
Tuilerie, une propriété d’environ trente hectares où l’on faisait de la
vigne, des prunes, des vaches pour le lait et la viande, du blé et un peu de
tabac. Nous étions métayers. Les propriétaires étaient là et nous disaient ce
que nous devions faire. On a été comblés d’avoir des patrons comme ça.
Au début, mon père était seul
sur l’exploitation avec Monsieur Régaud et mère. Après le décès de Monsieur
Régaud, pendant la guerre, les plus âgés des enfants l’ont aidé pour le travail
de la terre. Je me suis mariée en 1954 et nous avons continué l’exploitation
avec mon mari, qui avait aussi une ferme à Berry.
Nous vivions avec son père et sa mère. J’étais italienne et sa mère était
française ; elle me faisait souvent des reproches. Mais comme j’allais
travailler dans les champs pour aider mon mari, je n’étais pas toujours avec
elle. Puis mon frère et mes sœurs se sont mariés, chacun est parti à droite et
à gauche. Aucun membre de la famille n’est resté à la ferme à part moi.
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Amelia Albucher, née Della Rosa, le jour de son mariage en août 1954. |
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