« Je me suis acheté une
fourgonnette Renault 1000 kilos et j’allais
m’approvisionner régulièrement aux Capucins à Bordeaux ».
* Je suis né en Algérie à
Blandan en 1925. Mon père est décédé lorsque j’avais six ans. Ma mère et moi
avons alors rejoint mes grands parents paternels, qui habitaient Le Puy. Il y
avait une bonne ambiance au Puy autrefois. Ça n’était pas grand. On
s’entraidait. J’ai fait les vendanges plusieurs fois chez nos voisins de Bordepaille. À la fin, il y avait le pampaillou, c’était très sympathique.
Nous allions chercher l’eau à la fontaine en bas. Les conversations se
rapportaient surtout aux oiseaux qui passent.
Quand je suis sorti de l’Ecole
pratique d’Agen, au début de la guerre, j’ai travaillé pendant deux ans comme
menuisier à Monségur, chez un patron, Monsieur Bernède. Il était installé avec
son fils et j’étais son commis. Nous fabriquions des portes, des fenêtres, des
rideaux roulants et des meubles. On travaillait le chêne, le sapin et un peu de
noyer.
Ma mère tenait une épicerie bar
tabac au Puy, dans le bourg de Bordepaille.
Comme elle travaillait seule et avait besoin d’aide, j’ai quitté mon emploi de
menuisier à Monségur chez Monsieur Bernède pour travailler avec elle. C’était à
la fin de la Guerre.
On vendait de tout à
l’épicerie : du café, du sucre, de l’huile, du vinaigre, des conserves, des
légumes, de la morue salée … Les gens
mangeaient de la morue le vendredi. On dépannait. Il y avait du monde qui
passait. Nos clients habitaient surtout
le Puy, comme notre voisin, le forgeron Hagard, qui tenait également la pompe à
essence. De temps en temps il venait boire un coup avec son commis ou avec un
client.
Tout le village ne venait pas
chez moi, mais j’en avais une bonne partie, surtout s’ils avaient oublié quelque
chose. On se connaissait bien et l’on faisait crédit, sur un cahier. J’ouvrais
vers six ou sept heures et je ne fermais pas entre midi et deux. On travaillait
tous les jours de la semaine, sauf le dimanche. Parfois, nous vendions aussi le
dimanche, si quelqu’un avait oublié quelque chose, mais le bar fonctionnait
très peu le dimanche.
Je n’avais pas beaucoup de
place : on rentrait dans l’épicerie par une porte vitrée. Le bar était au
fond à droite. Tout était d’un seul tenant. C’est moi qui avais fabriqué le
comptoir. Il n’y avait pas de tables dans le bar, c’était juste un zinc. On y
buvait du Ricard, du Byrrh, du Martini, du Cinzano, un
peu de Lillet. On faisait surtout du Byrrh et du Ricard. On buvait aussi du blanc et du rouge, et un peu de bière.
Je n’avais pas de pression, uniquement des bières à la bouteille. Le bar
fonctionnait couci-couça. L’épicerie marchait mieux. Plus tard, j’ai eu un
billard français qui faisait venir des habitués. Ils jouaient à l’apéritif.
Mais les clients n’avaient pas beaucoup d’argent.
Au début de mon activité, je me
faisais livrer. Ma mère s’approvisionnait auprès de marchands qui venaient de
La Réole, Langon et Bordeaux. Après son décès en 1966, j’ai élargi le cercle
des fournisseurs. Je me suis acheté une fourgonnette Renault 1000 kilos et j’allais m’approvisionner régulièrement aux Capucins à Bordeaux. Ces jours-là, je devais me
lever à deux heures. J’ai acheté ma fourgonnette neuve, en empruntant à une
banque de La Réole. C’est mon voisin, Hagard, le forgeron, qui l’entretenait.
Il n’y avait pas de garage au Puy et il s’y connaissait un peu en mécanique.
C’est à ce moment-là que j’ai
commencé les tournées d’épicier trois jours pas semaine sur les communes des
environs : le Puy, Saint-Ferme, Rimons, un peu sur Sauveterre, jamais dans
le bourg ; je n’allais pas devant les autres commerçants. Je faisais mes
tournées le mardi, le mercredi et le jeudi. Je rechargeais en arrivant le soir
à l’épicerie et je repartais en tournée. Mes tournées duraient une journée. Le
matin, je commençais à sept heures. Les gens se levaient plus tôt que
maintenant. Je rentrais parfois manger chez moi, ou bien j’apportais mon
casse-croûte. Parfois j’attendais la fin de ma tournée, vers seize ou dix-sept
heures pour manger. Quand j’ai commencé les tournées, je passais pour voir si
les gens avaient besoin de quelque chose, puis je repassais ensuite
régulièrement s’ils m’achetaient des produits. On passait parfois pour rien. Si
ça ne payait pas, je ne revenais plus. Quand je passais, les gens étaient
contents de voir du monde. Je me mettais toujours au même endroit, chez l’un,
chez l’autre. Je klaxonnais quand j’arrivais chez les clients. Les gens
achetaient toujours à peu près la même chose : du sucre, des sardines, de
la morue, un peu de tout. Je vendais très peu de légumes. Si on me demandait du
vin, j’en portais, sinon je n’en vendais pas. C’était surtout les femmes qui venaient. Les enfants aussi
parfois, avec leur maman, qui leur achetait des bonbons. Je donnais rarement
des bonbons : j’étais un peu radin ; je ne donnais pas facilement. Je
gagnais plus en tournée que ma femme en épicerie. Ça n’était pas du tout la
même vente : ma femme vendait des petits bouts de morue, moi je vendais
des morues entières. On ne les vendait pas au même prix.
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Vue du bourg de Bordepaille (Le Puy) au début du XXe siècle. |
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Vue du bourg de Bordepaille aujourd'hui. |
1 commentaire:
bjr Mr "L'épicerie Goulié au Puy" j trouver cet article parazard, enfin je suis un homme qui habite a blandan en algérien je demande de ce Mr qui néé a blandan esk vous avez des photos de vous au de blandan de cet épouque et merci bien cher Mr L'épicerie...
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