« On faisait les veaux
sous la vache. Ils étaient vendus vers trois mois, trois mois et demi … »
* Nous avions une quinzaine de
bêtes. C’est moi qui donnais à manger aux vaches et qui faisais téter les
veaux. C’était une galère. Il fallait souvent être là quand les vaches
mettaient bas : parfois ça se passait tout seul, mais pas toujours. On
faisait les veaux sous la vache. Ils étaient vendus vers trois mois, trois mois
et demi, chez Cao, boucher à Saint-Ferme ou, plus tard, chez Dumazeau à
Monségur. Nous allions également à Duras vendre ou acheter les bêtes.
On élevait un ou deux cochons
pour la cuisine du cochon : boudins, confits, saucisses, grattons, jambon
… Quand le boudin cuisait, on le piquait pour voir s’il coulait gras ou pas,
s’il était cuit ou pas. Puis on sortait le boudin. On faisait aussi du pâté,
mais nous n’étions pas gros mangeurs de pâté ni de boudin. Mon morceau préféré,
c’était le filet. On n’avait pas besoin d’un gros morceau. On était nombreux.
Et quand il y avait des vendangeurs, il fallait les nourrir.
« C’est un dressage le joug, les bêtes doivent s’y
habituer. »
* Nous élevions une vingtaine de vaches, des Garonnaises surtout. C’était une espèce pour la viande et pour le
travail des champs. On élevait aussi sept ou huit Hollandaises pour le lait. Nous avons eu notre premier tracteur, un
Renault, en 1954. Avant, on travaillait avec un cheval ou une
paire de bœufs équipée d’un joug. C’est un dressage le joug, les bêtes doivent
s’y habituer. Le
joug était vite installé. On l’attachait avec une tire qui passait entre les
cornes et une lanière en cuir, la juye.
Entre les deux bêtes, il y avait l’ombine,
un cercle en fer dans lequel on emboîtait le timon de la charrue.
L’été, on
lâchait les vaches dans le pré vers huit ou neuf heures jusqu’à treize heures.
On les rentrait ensuite dans la grange, où se trouvaient les crèches. L’hiver, je les faisais souvent manger à la corde, dans les
allées de vignes, car l’herbe y était verte. Elles la mangeaient mieux que le
foin.
On gardait deux ou trois vaches pour le travail et les autres
étaient vendues au foirail de Monségur. Nous
les emmenions par deux, à la corde. Elles avaient l’habitude à cette époque-là.
Maintenant, on le fait avec le camion. On les amenait à pied depuis Saint-Ferme
jusqu’au champ de foire de Monségur. C’était une corvée. Quand
on arrivait sur le champ de foire, les maquignons passaient pour négocier. Ils
faisaient le tour de la vache puis donnaient leur prix. C’était à nous d’être
d’accord ou pas. Il fallait qu’elle ne soit pas trop mal fichue, en bonne peau.
On vendait les bœufs vers l’âge de trois ou quatre ans.
Les chevaux servaient à
travailler dans les vignes et à tracter la herse dans les champs de blé au
printemps. En 1961, j’ai quitté le métier et j’ai beaucoup regretté Bibi mon
cheval. C’était un Morbihannais. On
lui indiquait la gauche, la droite, il tournait tout seul. Il avait son local,
avec une mangeoire. Je lui donnais du grain et du foin, je le brossais …
Marcher derrière les chevaux, c’était rapide et si on tirait un peu, ça
accélérait. Le cheval était bien plus pratique, bien plus maniable que les
bœufs dont on ne se servait que par paire. Les bœufs étaient lents et surtout
adaptés aux grands espaces.
Nous faisions deux cochons par an. Pour tuer le cochon, on le
pendait par une patte arrière et on l’égorgeait avec un couteau. On récupérait
le sang pour faire les boudins et la Gimboura,
puis on le mettait dans l’eau bouillante dans une maie posée sur un traîneau
pour pouvoir ensuite enlever les poils avec une raclette. Ensuite, on le
pendait pour l’ouvrir. On gardait les
boyaux pour le boudin. Les femmes allaient les rincer au ruisseau. Puis le
boucher mettait le cochon sur une table et le découpait. Ensuite, on faisait
fondre les morceaux de viande. Il fallait bien trois ou quatre jours pour faire
la cuisine du cochon ».
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Le foirail de Monségur vers 1960 (Cliché Studio Georges). |
« On fauchait la prairie avec une faucheuse tractée avec du bétail »
À la Basse Brande, avant 1950, les trois-quarts de l’exploitation
étaient en prairies pour nourrir les vaches. Elles n’allaient au champ que l’été.
La plupart des prairies étaient clôturées et le bétail se gardait tout seul.
Les vaches se désaltéraient au ruisseau. On allait aussi chercher de l’eau à la
mare qui se trouvait près de la ferme avec des seaux et l’on remplissait les
abreuvoirs en pierre. L’hiver, on alimentait le bétail en foin récupéré dans
les prés. On fauchait la prairie avec une faucheuse tractée avec du bétail.
Puis on faisait sécher l’herbe que l’on mettait dans le grenier à foin.
Maintenant, on utilise des faucheuses qui pressent le foin. Nous mettions
souvent de l’engrais pour faire pousser l’herbe, qu’on dispersait à la main, à
la volée. J’ai eu mon premier tracteur, un Fergusson,
vers 1955. Ça nous a simplifié le travail.
On se débrouillait nous-mêmes
pour vendre le bétail, à la foire. Le plus souvent, c’était à Monségur, au
foirail. On élevait les vaches pour le travail et pour la viande. Le lait
servait uniquement pour les veaux. Notre vétérinaire, Constantin, venait de
Monségur.
« Ils venaient chercher le lait chez nous
avec des bidons, ou bien on le leur portait avec une remorque tirée par une
bicyclette. »
* Nous avions une quinzaine de
vaches, des laitières. Je les trayais à la main matin et soir. Mon épouse
travaillait avec moi. Elle s’occupait des vaches et vendait le lait au détail
chez les gens. Nous avions beaucoup de clients. Ils venaient chercher le lait
chez nous avec des bidons, ou bien on le leur portait avec une remorque tirée
par une bicyclette. Monsieur Favereau venait chercher le lait chez nous, le
tailleur de Monségur aussi. Le laitier du Puy passait ramasser le lait que nous
avions en trop. Toute la pente du chemin de ronde était couverte par nos prés.
On s’est vite débrouillé à le clôturer pour garder les vaches. On faisait les
clôtures en piquets d’acacia.
« Le laitier du Puy
passait prendre le lait. »
* Je suis né en 1931 dans les
Landes où mes parents étaient agriculteurs. Puis j’ai vécu à Cadillac, Duras et
Esclottes avant de m’installer comme métayer chez Schlöger vers 1960. La
propriété était située à l’entrée de Monségur. J’habitais seul à la métairie en
bas, à côté des bâtiments d’exploitation. J’avais une cheminée, un poêle à
bois. Pour les repas, j’allais manger chez Monsieur et Madame Schlöger, dans la
grande maison. Nous étions en famille. On s’entendait très bien. Ils avaient
besoin de moi. Le soir, on veillait en discutant de tout et de rien, des choses
anciennes. Nous nous couchions assez tard.
On faisait beaucoup de lait.
Nous avions une quinzaine de vaches à la métairie, des Hollandaises. Je trayais à la machine avec Monsieur et Madame
Schlöger. Le laitier du Puy passait prendre le lait. Nous avions sept hectares
de prés. À la belle saison, je conduisais les vaches au champ tous les jours.
L’hiver, on les laissait à l’intérieur et on les nourrissait avec du fourrage
et du foin.
Il y avait une mare aux canards
dans l’enclos. Nous avions des poules, des poulets, des canards et des oies. Je
gavais les oies avec le patron. On vendait le foie et les volailles à des gens
de passage ou aux marchands sous la halle à Monségur.
* Derrière la maison, il y
avait le poulailler et le parc à cochons. Les volailles – poules, oies,
canards, pintades – servaient uniquement pour notre consommation familiale On
faisait du foie gras pour nous, mais ça ne réussissait pas toujours.
« On défaisait les tripes du cochon puis
nous allions les laver au ruisseau. »
* Nous faisions deux cochons
par an. La cuisine du cochon durait trois jours et le temps de tout mettre en
place, il fallait bien compter quatre jours : le jour où on le tuait, on
faisait le boudin, le lendemain, on le coupait, le troisième jour, on le
faisait fondre, on préparait le grillon et le confit, et le quatrième jour, il
fallait le mettre en place dans les toupines. Les toupines sont des récipients
en terre dans lesquels on mettait quatre ou cinq morceaux de cochon, puis on
les recouvrait de graisse pour la conservation. On y plaçait la viande et le
confit puis on les entreposait au frais dans la maison. Plus tard, j’ai utilisé
des bocaux. Les hommes aidaient surtout pour la cuisson de la viande.
Nous nettoyions les boyaux
entre femmes. On défaisait les tripes du cochon puis nous allions les laver au
ruisseau. Les tripes pour faire le boudin n’étaient pas les plus difficiles à
nettoyer. Les tripes blanches étaient plus difficiles : elles étaient
toutes tordues. Il fallait les racler et les faire bouillir. On les faisait
cuire avec un peu d’oignons et du laurier pour sortir l’odeur, puis on les
laissait égoutter dans une passoire. On émiettait du pain avec de l’ail, un peu
de sel et du poivre, puis on les mettait dans un plat par couches : une
couche de tripes, une couche de cette farce. C’étaient les tricandilles.
C’était très bon. Maintenant elles ne sont plus si blanches ; on ne pèle
plus l’estomac.
* Nous avions toujours un ou deux
cochons. Quelqu’un venait le tuer et le saigner, puis on le découpait et on le
cuisinait. On faisait un peu de tout : ventrêche, jambon, saucisse, boudin
... Autrefois, on lavait les boyaux à grande eau au ruisseau. C’était difficile
et pénible. On tuait le cochon vers janvier, février, ce n’était donc pas
toujours agréable de mettre les mains dans le ruisseau gelé. C’est également
dans ce ruisseau que je rinçais la lessive avec ma mère et ma sœur.
![]() |
Préparation du cochon à Darmissan (Saint-Ferme) en 1956. De gauche à droite : les agriculteurs Raymond et Simone Bernard, et le boucher Claude Lampuré. |
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