Le Café Les Ormeaux - La boucherie et le tabac presse Busvelle à Saint-Ferme


« Dans la salle de bal, ma mère organisait des bals d’hiver et des réunions politiques »

* Lorsque je suis née en 1922, ma mère tenait le café Les Ormeaux à Saint-Ferme auquel elle a ajouté une épicerie en 1935. Ma mère s’appelait Bourricaud, puis après son divorce, elle a repris son nom de jeune fille, Paquier. Ce commerce était situé dans le bourg à côté de l’actuel groupe scolaire. Le café occupait toute la longueur de la maison. C’était une grande bâtisse avec cinq chambres. Une pièce centrale servait de buvette, café et restaurant. Elle était prolongée par une salle de danse, sous laquelle se trouvait une grande écurie. À côté du café, il y avait l’épicerie, la cuisine et la salle à manger.  On n’avait pas une grosse clientèle : quelques voyageurs de commerce, des ouvriers, des domestiques et des commis de châteaux qui venaient boire du vin ou l’apéritif, le Pernod surtout à cette époque-là. Il y avait un comptoir et des tables. Les gens du village jouaient aux cartes chez nous, parfois sans consommer. Ma mère ne gagnait pas sa vie avec le café, mais grâce à ses travaux de couture et à l’épicerie. Pour la couture, elle n’était pas payée ; on lui donnait des œufs, des volailles et des produits de la terre.
Dans la salle de bal, ma mère organisait des bals d’hiver et des réunions politiques. De l’âge de cinq ans jusqu’à mes dix ans, j’allais aux réunions politiques. Les hommes politiques se mettaient sur l’estrade, ils débattaient. Ça faisait des histoires formidables et ça m’amusait beaucoup. Il y avait très peu de femmes dans ces réunions. Plus tard, ça a été important pour moi d’aller voter. Beaucoup de femmes votent comme leurs maris. Elles ne réfléchissent pas.
Nous organisions aussi des bals d’hiver : des bals déguisés en février et quelques bals plus importants avec des musiciens. Mon frère aîné était musicien. Il y avait aussi un violoniste de Saint-Ferme et des musiciens qui venaient de Pellegrue ou de Gensac, cinq musiciens si je me souviens bien. Plus tard, on dansait avec un pick-up. Ma mère me disait d’aller me coucher, mais je passais par une porte qui donnait directement dans la salle de bal depuis la maison. À trois ans, je dansais le charleston et le quadrille. Pour le quadrille, il y avait quatre hommes et quatre femmes qui se tenaient par la main et les hommes devaient soulever les danseuses. Celles qui étaient légères volaient bien, mais les « superbes » avaient du mal à décoller. Alors parfois, je servais de remplaçante : je montais sur le banc, un danseur lâchait sa cavalière un peu trop lourde et me prenait moi qui étais légère pour me distraire. Je riais comme une bienheureuse.
Les femmes venaient au bal à pied, en sabots, jusqu’à l’écurie située sous la salle de danse puis elles mettaient leurs souliers, qu’elles transportaient dans un sac, pour aller dans la salle de bal. Tout autour de la salle de bal, il y avait des bancs en bois fixés au plancher. Les mères étaient assises sur les bancs et regardaient leurs filles danser. Elles discutaient entre elles. La salle était comble.
À côté du café, un de mes oncles avait construit une villa, A notre œuvre, dans laquelle mon frère tenait un magasin de cycles.
Après mon mariage en 1941, je suis restée chez ma mère avec mon mari en l’aidant à l’épicerie jusqu’au partage des biens avec mes deux frères, à la fin de la guerre. Mon mari et moi avons alors repris le tabac de mon oncle, buraliste à Saint-Ferme, qui était situé de l’autre côté de Saint-Ferme, sur la route de Monségur. Notre jardin et notre puits se trouvaient de l’autre côté de la route devant l’abbaye près de la cour de l’école des garçons et du jardin de la mairie. On y accédait par un escalier qui existe toujours.
Comme mon oncle était âgé et partait à la retraite, il a donc choisi mon mari, qui était militaire, comme remplaçant, car les tabacs étaient accordés prioritairement aux militaires. Nous avons également repris la boucherie Courniol parce que mon mari avait une formation de charcutier. On avait un dépôt d’une charcuterie de Pellegrue et nous proposions des plats cuisinés. Mon mari cuisinait bien, mais il n’était jamais là et n’était pas commerçant. Il faisait ses tournées de charcutier, buvait du vin blanc pendant ses tournées chez les clients et allait souvent à la palombière. La boucherie n’a pas marché plus de dix ans. Heureusement que j’avais mon oncle avec moi qui était célibataire et qui n’avait pas d’enfants. Il m’a beaucoup aidée, car je ne pouvais pas compter sur mon mari.
J’ai repris la régie des vins dont s’occupait ma mère : c’est moi qui délivrais les documents et encaissais les taxes obligatoires pour le transfert des vins des propriétaires aux marchands. Un contrôleur de la régie passait tous les mois pour récupérer l’argent. Il y avait plus de deux cents propriétaires à Saint-Ferme au début de mon activité, et seulement une vingtaine lorsque j’ai laissé la régie à Madame Bouscary.
Au départ, je n’avais que la boucherie et le bureau de tabac. Je ne gagnais pas bien ma vie avec le tabac, le job et les allumettes. Ensuite j’ai ajouté la presse et la papeterie.
J’ai toujours travaillé, pour ma mère et pour mon mari. Maintenant, je me retrouve sans presque rien avec une pension de réversion. Mon mari n’a jamais voulu signer les papiers pour que je devienne son employée. C’était lui le propriétaire, mais c’est moi qui faisais tout le travail.
Vue de la sortie de Saint-Ferme, en direction de Pellegrue, au début du XXe siècle : le café "Les Ormeaux" et le magasin de réparation de cycles. La route était bordée par des ormeaux qui ont aujourd’hui disparu.

Vue de la sortie de Saint-Ferme, sur la route de Pellegrue, en 2011. Le café "Les Ormeaux" et le magasin de réparation de cycles sont désormais des maisons d’habitation.

Alice Busvelle devant la maison de son enfance en 2011 (Café Les Ormeaux /café-épicerie Bourricaud).



Vue de l’entrée du bourg de Saint-Ferme, quand on arrive de Pellegrue, vers 1950. A droite, au niveau de la fourgonnette : le café "Les Ormeaux" de Madame Bourricaud, la mère d'Alice Busvelle. Les ormeaux ont été coupés. Le facteur fait sa tournée.
Ancien commerce d’Alice Busvelle et son époux (Boucherie et tabac-maison de la presse).


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