L'eau, la toilette, la lessive


« On se baignait les uns après les autres, en commençant par le plus petit. »

* Dans la maison, il n’y avait pas d’eau. Nous cuisinions dans la cheminée avec un trépied et la crémaillère pour chauffer l’eau et faire la soupe. On se lavait dans un grand bassin, en zinc ou en bois. On le remplissait avec l’eau du puits et l’on se baignait les uns après les autres, en commençant par le plus petit. Le puits servait aussi pour faire boire les bêtes, pour le lavage du linge et pour la cuisine. Il y avait beaucoup de linge à laver, mais on gaspillait moins que maintenant. Aujourd’hui, on met une culotte, et puis, hop, on la quitte.
C’était dur, très dur, car la famille était nombreuse. On faisait bouillir l’eau dans une lessiveuse en zinc sur un trépied, à l’extérieur de la maison pour ne pas mettre le feu ou bien dans la cheminée quand il faisait mauvais. Nous utilisions du savon de Marseille et parfois de la Saint-Marc, mais c’était fort : on ne l’utilisait que lorsque le linge était très sale, pour les pantalons des hommes par exemple.
On lavait le linge à la maison avec l’eau du puits, puis on le rinçait au lavoir communal, à Bordepaille. C’était un lavoir couvert, près du ruisseau, un ruisseau public, entretenu par le cantonnier. Nous y allions à pied. Les plus forts poussaient la brouette, des femmes, parfois des hommes. Les hommes nous aidaient s’il le fallait. Ils nous aidaient aussi à tordre le linge. Il y avait les jours où on lavait et les jours où l’on rinçait. Quand le ruisseau était propre, il ne fallait pas aller le salir. On ne cherchait pas à faire d’histoire.
Nous faisions une lessive par semaine. On transportait le linge avec une brouette et une corbeille à linge, puis on le faisait sécher dehors sur un fil de fer avec des épingles. Certaines choses avaient besoin d’être repassées et d’autres pas. Nous repassions avec un fer à braise sur la table recouverte d’une couverture. Il fallait bien tenir le fer, car il était percé de trous d’aération et s’il n’était pas d’aplomb, tout chavirait, la braise s’en allait et ça brûlait le linge.


Vue actuelle du lavoir de Bordepaille.


« On mettait aussi le linge par terre sur l’herbe pour le détacher avec la rosée du matin. »

* À la maison, on faisait les draps une fois par mois : un coup de brosse au savon de Marseille ou aux cristaux. J’utilisais de la cendre pour faire blanchir le linge. On la mettait dans des torchons assez épais, pour qu’elle ne s’échappe pas. C’était très efficace. On mettait aussi le linge par terre sur l’herbe pour le détacher avec la rosée du matin. Pour laver, je mettais le linge dans l’eau bouillante, avec de la lessive, je le laissais tremper, parfois une nuit entière, je le frottais bien, puis j’allais le rincer au ruisseau avec la brouette. J’y allais seule. Ça n’était pas facile de se frayer un passage pour porter le linge jusqu’au ruisseau, alors je demandais aux hommes de me dégager un chemin à travers champ et de me pousser la brouette. La pierre était dure, ça faisait mal aux genoux. J’avais une planche et un tapoir. Il y avait aussi sept lits à faire chez Touchet. Chez eux, je rinçais souvent au broc des vaches.
Puits gavache à Saint-Vivien-de-Monségur. (Cliché Studio Georges)


« Il était interdit de se servir du robinet qui apportait l’eau des Fontaines au lavoir. »

* A Monségur, nous allions chercher l’eau au puits sur la place du marché. Il y avait une pompe devant la mairie. Je faisais la lessive une fois par semaine, à la maison, dans une lessiveuse, puis j’allais rincer le linge dans le lavoir communal, situé en bas de Monségur. Je rinçais ma lessive le mardi, quand l’eau était propre. J’emmenais mon linge avec une brouette. Nous étions souvent sept ou huit à rincer en même temps. On se mettait à genoux sur la margelle. On pouvait s’installer de tous les côtés du lavoir, mais on n’était protégé de la pluie que sur deux côtés.
Il était interdit de se servir du robinet qui apportait l’eau des Fontaines au lavoir. Mais comme je préférais l’eau des Fontaines à celle du lavoir qui n’était pas toujours très propre, j’y allais parfois entre midi et deux heures pour rincer mon linge directement sous l’eau du robinet. Il y avait Rachel Mouthe qui me voyait depuis sa fenêtre. Elle était concierge à la mairie de Monségur et habitait au-dessus du lavoir. Je me faisais engueuler : « Hé toi, qu’est ce que tu fais là-bas, je te vois ! »
Le lavoir et la source des Fontaines à Monségur en 1995, avant la démolition de la toiture côté sud. (Cliché Studio Georges).

Le lavoir et la source des Fontaines à Monségur en 1995, avant la démolition de la toiture côté sud. (Cliché Studio Georges).

Le lavoir de Monségur aujourd'hui.

Le lavoir de Monségur aujourd'hui.

Le lavoir de Monségur aujourd'hui.


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