La chasse


« La bécasse, après l’avoir tuée, je la pendais pendant cinq jours à une poutre le bec en bas pour la faire faisander. »

* J’ai commencé à chasser à l’âge de onze ans avec mon père. J’ai eu la chance de pouvoir chasser un peu plus tôt que l’âge légal grâce au père Barbe, le secrétaire de la mairie de Saint-Ferme, qui délivrait les permis de chasse. Je chassais la grive, la bécasse, la palombe et le lièvre. Mon père aimait beaucoup la chasse, c’était un bécassier. La bécasse, après l’avoir tuée, je la pendais pendant cinq jours à une poutre le bec en bas pour la faire faisander. Quand il y avait une goutte d’eau au bout du bec, c’est qu’elle était bonne à consommer. Ensuite, je la préparais au tourne broche dans la cheminée et je l’arrosais avec de l’eau-de-vie pour la flamber.
Claude Bernard avec une bécasse et son chien à Darmisssan (Saint-Ferme) en 1954. A lʼépaule, son premier fusil : un « Robuste » de chez « Manufrance ».

« On mettait la palombe sur une raquette et avec une ficelle, on la montait en haut de l’arbre. »

* La palombière, c’est une belle et bonne ambiance, ça ne peut pas se raconter, ça se vit. Je n’étais pas fort pour tirer, mais j’allais à la palombière pour les copains et les gueuletons de chasse. La fille et le gendre de Sauvestre, au Puy, en avaient une, alors on s’y retrouvait. C’était plutôt la semaine, car il y avait moins de monde. J’arrivais de bonne heure le matin pour le petit-déjeuner. C’était de vrais petits-déjeuners avec du café, du jambon, du saucisson, du vin rouge. Le petit-déjeuner valait le dîner. Après on pouvait commencer la chasse. Avant le petit-déjeuner, des copains montaient les appeaux. On mettait la palombe sur une raquette et avec une ficelle, on la montait en haut de l’arbre. C’était toujours la même palombe au même arbre. Chaque oiseau avait sa place. Après, dans la cabane, certains d’entre-nous attendaient les vols, assis sur des chaises ou un banc à taper la belotte ou à dormir, pendant que les autres surveillaient le ciel depuis trois, quatre ou cinq postes de garde. Quand le vol arrivait, ceux qui se trouvaient aux postes avertissaient la palombière. On se levait, on prenait les fusils et on allait aux kiosques. Un kiosque, c’est un petit arrondi avec une trappe. On ouvrait la trappe pour regarder le ciel. Quand le vol arrivait, on refermait la trappe et on regardait par les trous entre les bruyères. Le kiosque et la palombière étaient recouverts de bruyère et de branchages pour que les palombes ne nous voient pas. On avait aussi des couloirs qui nous servaient à aller d’un point à l’autre de la chasse sans être vus. Pour faire poser les palombes, il y en a qui tirait sur les appeaux. La palombe bougeait alors les ailes et attirait les autres palombes pour qu’elles se posent.
Quand les palombes étaient posées, chacun veillait un arbre pour qu’on ne tire pas tous sur le même oiseau. Celui qui s’occupait de la chasse donnait l’ordre de tirer. On n’avait droit qu’à un seul tir, car au coup de fusil, les palombes partaient. Il fallait être bon tireur. On en manquait tout de même. Il arrivait qu’on tire sur l’appeau au lieu de la palombe. Alors, il fallait en retrouver un autre ; on devait l’acheter, ce n’était pas évident. On tuait une dizaine de palombes par jour, peut-être plus, peut-être moins.
Il y avait plusieurs générations à la palombière, des jeunes, des vieux. Il ne fallait pas être trop nombreux, quand même, sept, huit c’était bien. Plus, ça n’était pas commode ; il n’y avait pas assez de place pour tout le monde au tir.
Pendant les repas en palombière, on mangeait et on buvait bien. Il y avait toujours un gars de garde pour surveiller le ciel. On faisait des entrecôtes, des côtes de bœufs sur le gril ; on mangeait aussi les palombes que nous avions tuées. On les plumait, on les vidait et on les faisait cuire à la braise. Les femmes étaient parfois invitées, mais en général, elles ne pouvaient pas mettre les pieds dans la palombière. C’était un monde d’hommes. Après nous faisions la sieste. J’étais un bon vivant et je passais sur pas mal de choses, parfois, pour ne pas m’engueuler avec les autres.
Je ne savais pas gaver les palombes. Pour gaver, le chef de cabane prenait du grain dans sa bouche et le soufflait par le bec dans le gosier de l’oiseau, palombe ou pigeon. Je crois que ça se faisait le matin. Je ne savais pas roucouler non plus. Dugrand savait roucouler. Ça servait à faire venir les palombes en vol, à les appeler.
Chasser la palombe ne nous occupait pas seulement l’automne, période de chasse. Le reste du temps, il fallait nettoyer les arbres autour de la palombière pour qu’au moment de chasser, les oiseaux puissent se poser. Tout le monde ne le faisait pas, car il fallait savoir monter aux arbres. Moi, je regardais. Il fallait aussi entretenir le sol, pour que ça ne soit pas trop sale et qu’il n’y ait pas de branches qui craquent. Tout ça se faisait en dehors de la chasse.
C’est une belle tradition, la palombe. Je ne pense pas qu’ils l’interdiront, peut-être qu’ils arriveront quand même à nous mettre une taxe pour récupérer un peu d’argent.

* Les palombières, il n’y en a aucune de pareil. J’allais à la chasse de Combalier comme chez moi. Il avait sa palombière chez Talence à Saint-Ferme. Sa cabane avait soixante-douze marches et vingt-deux mètres de haut. Mais il y avait aussi des palombières au sol. À partir de mi-août, il fallait habituer les appeaux à leurs appareils. L’appeau était placé sur une partie de l’arbre.

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