Le cinéma


* Quand j’étais jeune, on partait au marché à quatre ou cinq, à pied, et nous passions la journée à Monségur. J’y faisais mes commissions, le vendredi surtout. On trouvait un coin pour manger tranquillement, puis nous allions parfois au cinéma l'après-midi. Je me souviens qu’il y avait des films avec Fernandel.

* Le cinéma de Monségur existait déjà avant la guerre. Il y avait des films le vendredi et le dimanche. Ça fonctionnait très bien. C’est le directeur, Monsieur Usureau, qui s’en occupait, avec un opérateur qui par la suite est devenu mon mari. Il venait de la Vienne, où il était déjà opérateur, et avait été recruté par le directeur du cinéma de Monségur. Ils s’étaient rencontrés un été dans un cinéma de l’Ile de Ré ou de l’Ile d’Oléron.
J’allais au cinéma toutes les semaines. Tout a été refait depuis, mais avant la guerre, il y avait environ deux cents places, avec un parterre et un balcon. Les sièges des premiers balcons étaient assez confortables, mais les sièges du bas, beaucoup moins ; ils étaient en bois. À l’étage, chacun avait sa place et si l’on ne respectait pas les places, on nous faisait sortir : celle-ci était pour le docteur Gateau et celle-là pour untel. Les notables, les commerçants avaient tous leur place. En bas, c’était pour les jeunes et les gens de la campagne. Nous les jeunes, on papillonnait, on allait d’une place à l’autre. Il y avait un projecteur avec deux bobines. Il ressemblait à celui qui se trouve maintenant à l’entrée du cinéma, mais il était plus gros.
Il y avait un monsieur qui vendait les billets et une dame qui vendait les bonbons : la secrétaire de mairie, Rachel Mouthe. Qui ne connaissait pas Rachel à ce moment-là sur Monségur ? Elle était très connue et faisait beaucoup de choses. C’était la « maîtresse » de Monségur. Son mari était garde champêtre.
Je me suis mariée en 1942. Il a fallu s’approvisionner sur Agen au lieu de Bordeaux, à cause de la guerre. Je portais une robe blanche et mon mari le costume d’un acteur qui jouait dans Le Schpounz. C’était un ami de Monsieur Usureau, le directeur du cinéma, qui le lui avait prêté, car pendant la guerre, il fallait des tickets pour avoir des vêtements, et nous n’en avions pas assez. Il y avait une cinquantaine d’invités à notre mariage. Le repas a eu lieu chez mes parents, rue Latraine, et le bal dans la salle du cinéma. On avait poussé les sièges. Monsieur Usureau nous avait prêté son pick-up pour animer le bal.
Lorsque nous avons monté notre magasin d’électroménager Grand rue après la guerre, nous avons continué le cinéma avec mon mari. Nous avons toujours gardé cette passion pour le cinéma. Nous faisions des tournées à Pellegrue, le mercredi, à Gensac le jeudi et le lundi à Duras. À Duras, les projections avaient lieu au château, à Gensac et à Pellegrue dans un café. C’était toujours plein, au moins cent cinquante personnes. Les places étaient payantes.
Trente ans plus tard, en 1972, mon mari et moi avons laissé notre magasin d’électroménager pour nous consacrer entièrement au cinéma. Nous fabriquions du matériel de projection à Bordeaux, rue Lhote. IDEF, c’était le nom de notre société. Nous avions cinq ouvriers à l’atelier, deux comptables et des représentants qui prospectaient dans toute la France. Nous faisions tous les festivals, en particulier le Festival de Cannes, où nous présentions nos produits IDEF.


Photographie de mariage de Guy et de Jeannine Hénaud, née Goulié, en 1942. M. Hénaud, opérateur au cinéma de Monségur, porte un costume du film « Le Schpountz », un film de Marcel Pagnol avec Fernandel sorti en 1938, que lui avait prêté un ami de M. Usureau., le directeur du cinéma.

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