L’entreprise Prempain à Saint-Vivien-de-Monségur


« J’ai commencé à réparer les postes de radio à Nice, mais le vrai travail, je l’ai fait en Gironde, à Saint-Vivien-de-Monségur … »

* Je suis allé à l’école à Paris dans un cours privé, puis au lycée Janson de Sailly. À partir de 1936, j’ai poursuivi ma scolarité à Nice jusqu’en troisième. Je n’aimais pas trop l’école et j’étais un élève moyen. Je réparais des postes de radio. C’était ma passion. Cette passion venait peut-être de la guerre, car j’écoutais la radio alors que c’était interdit. J’écoutais Londres sans y croire et les discours de Philippe Henriot. À la fin de la guerre, on ne souhaitait qu’une chose : bien manger, se ravitailler. On voulait que ça s’arrête.
J’ai commencé à réparer les postes de radio à Nice, mais le vrai travail, je l’ai fait en Gironde, à Saint-Vivien-de-Monségur, lorsque je me suis installé avec ma femme au Blaizot en 1956. J’avais un atelier chez moi, la meilleure pièce de la maison. J’y dormais presque. Le matin, je me levais tard, vers dix ou onze heures et après je travaillais jusqu’à trois ou quatre heures du matin, comme si ma vie en dépendait. Au début de mon activité, les gens venaient de toutes les communes alentour faire réparer leur poste de radio chez moi. J’avais une réputation. Les clients avaient une confiance totale en moi. Nous n’étions pas nombreux à faire ce travail sur Monségur. Je n’avais pas de boutique. Je travaillais à la maison. Je réparais très peu de postes au domicile des clients. J’aimais mieux mon ambiance personnelle. Je ne gagnais pas très bien ma vie et mon épouse non plus. On avait ce qu’il fallait, mais on ne faisait pas de folie. On ne comptait pas non plus.
Il n’y avait pas beaucoup de télévision à la fin des années cinquante, quatre ou cinq sur le canton, c’est la raison pour laquelle je réparais surtout les radios. J’avais sept ou huit postes que j’avais fabriqués pour moi. à cette époque-là, les postes de télévision se trouvaient principalement dans les bistrots. L’épicier bar de Saint-Vivien, Savariau, en avait un.
Puis lorsque la télé s’est développée, à la fin des années soixante, je ne réparais plus que ça. Autodidacte, j’ai beaucoup travaillé pendant un an sur les semi-conducteurs, sur tout ce qui existait en télé et je crois que j’étais bon. J’ai appris par moi-même en lisant beaucoup. J’inspectais les appareils, les générateurs de mire, les générateurs haute fréquence, les générateurs de toutes sortes. Au tout début, les gens venaient chez moi pour regarder la télévision. Ils ont tous acheté ailleurs ! On regardait La piste aux étoiles, les émissions sportives, mais ça ne commençait qu’à dix-huit ou dix-neuf heures du soir et à vingt-trois heures, c’était fini. Je regardais les actualités, deux fois par jour : une le matin et une le soir ; il n’y avait aucune émission entre les deux.
Je vendais des postes neufs. Je me fournissais chez [Dressot], Rivet ou Burgat, rue Ausone à Bordeaux. C’était la télé en noir et Blanc avec une chaîne. La couleur est arrivée en 1968. Il y avait alors deux chaînes, une en noir et blanc et une en couleur. La couleur s’est développée dans les années quatre-vingt. Les postes couleur n’étaient pas plus difficiles à réparer et je me suis adapté aux évolutions technologiques. Toutes les grandes marques de radio sont passées à la télé : Gramont, Le régional. C’était ma passion, mon œuvre : je suivais de très près toutes ces évolutions.
J’ai installé des antennes au début, puis les électriciens ont compris qu’ils pouvaient le faire ! Dans ces cas-là, je me déplaçais. Je me déplaçais aussi quand je vendais des postes neufs pour régler l’antenne. Il fallait qu’elles soient bien orientées, et trouver le bon canal manuellement sur le poste de télévision. J’avais beaucoup de revendeurs qui venaient se ravitailler chez moi, une vingtaine :  trois ou quatre de La Réole, il y en avait trois à Saint-Pierre-du-Dropt, à Marmande, quelques-uns de Bordeaux, de façon accidentelle ; j’en ai même eu un de Paris pour réparer des postes jugés irréparables. Je ne traitais pas directement avec le client. Les revendeurs venaient chez moi pour acheter et pour faire réparer. Le gros de mon travail, c’était La Réole. Pour réparer un téléviseur, je prenais l’équivalent de 23 ou 24 euros, mais il y a des postes qui demandaient une heure de travail, d’autres une demi-journée. C’était toujours le même prix. J’en faisais des quantités.
Lʼune des anciennes machines-outils utilisées par André Prempain pour  réparer les postes de radio et de télévision.

André Prempain dans son ancien atelier, au lieu-dit Blaizot, à Saint-Vivien-de-Monségur en 2011.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire